
Ce qu’il y a de bien lorsqu’il s’agit de communiquer sur des valeurs d’entreprise, c’est qu’absolument tout est permis. Mais on peut se brûler les doigts.
Des paroles, des actes et des valeurs d’entreprise
L‘image d »une entreprise ne se construit pas uniquement sur les produits qu’elle fabrique ou sur les services qu’elle propose. Elle se bâtit également autour d’une vision du Monde et d’un comportement envers les êtres humains, que ceux-ci soient salariés, prestataires ou consommateurs.
C’est d’ailleurs de plus en plus vrai. Le « consommateur moderne » attache en effet une importance accrue à la façon dont une entreprise se comporte vis-à-vis de la planète en général et de l’homme en particulier.
S’il n’en attend pas nécessairement un comportement en tout point exemplaire – d’une certaine façon, on pourrait parler d' »obligation de résultat » ,- il demande que celle-ci fasse son possible pour concilier ses objectifs de marché et de rentabilité avec un minimum de respect de la nature et de l’humain – « obligation de moyen ».
C’est un point que j’ai longuement développé dans mon cours sur le marketing relationnel pour le compte de l’EMWeb.
Valeurs exprimées : faites ce que je dis, pas ce que je fais
Qui dit « attente du consommateur » dit « marché », donc « marketing ». De nombreuses entreprises l’ont bien compris et se sont engouffrées ces dernières années dans la brèche du « vert », avec toute la novlangue qui a accompagné le mouvement : développement durable, éco-citoyen, tourisme responsable, …
Le secteur brasse énormément d’argent et il n’est donc pas surprenant que les hommes d’affaires qui ont rejoint le mouvement ne soient pas tous obsédés par le bien-être de leurs semblables.
Pour éviter de tomber de haut, il est souhaitable de garder à l’esprit que les valeurs d’une entreprise sont une question de communication et de perception : il y a parfois un gouffre entre ce qui est perçu et la réalité !
Là où cela fonctionne particulièrement bien c’est que le consommateur ne demande souvent qu’à y croire et se laisse ainsi facilement berner. En réalité, il ne demande que ça, ce qui peut expliquer d’ailleurs certaines réactions violentes de fans lorsque leur marque favorite se trouve « attaquée » (cf par exemple les nombreuses polémiques autour de la marque « cool » par excellence, Apple).
C’est exactement le même processus qui est à l’oeuvre en politique, par exemple lorsque beaucoup tendent à penser que la tolérance est une valeur de gauche ou qu’un homme politique du même bord fait passer l’intérêt général avant le sien. Un « piège » dont la droite française n’a d’ailleurs que rarement su se défaire.
Du danger de l’incohérence pour une entreprise
On comprend donc aisément que communiquer sur des valeurs d’entreprise axées autour de la générosité, du respect, du droit à la différence (la fameuse « diversité ») peut rapporter gros ! Et tant pis si au sein d’une société qui a choisi de s’approprier un tel territoire de marque se produisent les actes les plus abjects, autrement dit que la belle histoire qui est racontée se situe à l’exact opposé de la réalité.
C’est peut-être justement ce qui se produit au sein de la société Michel et Augustin, qui a construit son succès autour d’une image d’ouverture d’esprit et de valorisation de la différence mais qui, selon plusieurs anciens salariés, couperait impitoyablement toute tête qui dépasse, comme le laisse entendre Libération dans un article publié mardi dernier sur les valeurs de l’entreprise Michel et Augustin.
Un ex-employé raconte ainsi :
C’est la magie de leur marketing qui arrive à rendre aveugles ou naïfs les gens qui peuvent espérer trouver une très belle histoire en allant travailler chez eux.
Mais cet ex-employé ne touche du doigt que la partie immergée du storytelling : le consommateur lui-même, lorsqu’il achète un produit Michel et Augustin, adhère du même coup à une représentation fantasmée d’un pays peuplé de Bisounours sous coulis de framboise. Autrement dit, pour reprendre une formule maintes fois employée en publicité, le consommateur aime se faire du bien.
Ceci n’a d’ailleurs rien de magique puisque c’est exactement sur les mêmes mécanismes psychologiques que fonctionne le fameux « intérêt général » évoqué un peu plus haut : acheter du Michel et Augustin rend heureux, tout comme le fait de donner une pièce au SDF du quartier, de donner au Téléthon ou de payer ses impôts.
C’est ainsi que cette société, si l’on en croit l’article de Libération, peut sans discontinuer « se séparer des éléments perturbateurs » et modifier du même coup les trombinoscopes affichés sur les emballages de leurs produits sans que cela n’altère leur image.
Mais gare au retour de bâton : s’il venait à se savoir de manière nette et sans détour que Michel et Augustin se comportent de manière totalement opposée aux valeurs d’entreprise qu’ils mettent en avant, le yaourt pourrait s’effondrer aussi vite qu’un bloc communiste.
Ce ne serait pas la première société qui doit soudain faire face à l’épreuve de la réalité.
(crédit photo Les valeurs d’une entreprise : mari1208)